« Un
prophète n’est méprisé que dans son pays », cette parole du Seigneur dans
l’évangile de ce dimanche est une constatation, constatation qui concerne notre
nature humaine blessé par le péché, blessé en la confiance et en l’espérance
qui nous font bien souvent défaut. Car que ce soit pour les gens de l’époque du
Christ ou que ce soit pour nous aujourd’hui près de deux mille ans plus tard,
nous pouvons constater que la nature humaine demeure essentiellement la même.
Hier comme aujourd’hui la parole du Seigneur est toute à fait vraie :
« un prophète n’est méprisé que dans son pays ».
Pourquoi,
pourquoi ce mépris ? Et bien tout simplement car nous confondons bien
souvent le message et le messager. Si nous connaissons le messager, si nous le
connaissons en ces défauts et en ses faiblesses, si nous connaissons ses
erreurs de jadis et bien dès lors, tout ce que ce messager pourra dire sera
entaché de son histoire défaillante c'est-à-dire de son histoire humaine.
Ainsi, quelle que soit la nature du message, le messager est inaudible à cause
de ses errements passés.
Et
cela va même plus loin car en revenant en l’évangile et en considérant le
Christ comme messager, nous ne pouvons trouver dans la personne du Christ
aucune défaillance, aucun péché, aucun errements mais pourtant, sa parole est
rejetée tout simplement parce que les gens pensent le connaître. Les gens
connaissent ses parents, sa famille ainsi le Christ ne peut surprendre car il
appartient à une lignée et ne peut s’en extraire, ne peut étonner, ne peut pas
porter une parole qui dépasse cette réalité d’appartenance.
Ce
que montre cette réalité c’est ce défaut inhérent à notre propre
fonctionnement, ce défaut qui consiste à mettre chaque personne dans une case
bien définie, qui consiste à faire de la personne quelqu’un que nous cernons et
qui ne peut dépasser les frontières que nous lui avons subjectivement fixées.
Ce défaut est une erreur en de nombreuses dimensions. Tout d’abord, réduire la
personne à ce que nous en connaissons cela revient tout d’abord à considérer
que notre jugement quel qu’il soit est juste, totalement juste. Je pense que
telle personne est comme ceci alors tout est dit. Et c’est ici, dans ce
jugement péremptoire que va naître la médisance, la médisance qui naît au
moment où l’on va partager le jugement que l’on a posé sur telle ou telle
personne. La médisance qui est bien une maladie de notre humanité dans le
déballage de jugement à l’emporte pièce qui alimente tous les commérages
possibles et bien souvent sans aucune réalité objective. Mon jugement de
l’autre s’établi sur ce que je pressens, sur ce que je ressens, je proclame mon
ressenti qui se transforme peu à peu en ressentiment condamnant l’autre,
ressentiment qui se propage et condamne l’autre dans le microcosme qui est le
mien.
Allons même plus loin, j’ai vue telle personne
volée dès lors cette personne est une voleuse, un point c’est tout. Un acte est
posé et cet acte devient qualifiant de l’ensemble de la personne qui l’a posé.
Dans l’ordre de la justice et de la responsabilité c’est vrai, mais nous ne
sommes pas de ceux qui devons rendre la justice qui ne se rend d’ailleurs que
dans un prétoire. Pour nous, comme pour le juge d’ailleurs il nous faut essayer
de rechercher les circonstances d’un tel acte, circonstances qui ne seront
peut-être pas à la décharge de celui qui l’a posé, mais circonstances qui
permettront de saisir le mouvement éthique de l’acte c'est-à-dire l’élan qui a
conduit à un tel acte. Rien que ça, combien de fois prenons nous réellement le
temps de le faire alors qu’il est si pratique de montrer un certain pouvoir en
condamnant ouvertement un tel ou un tel.
Quoi
qu’il en soit de tout cela, le Christ nous invite à une autre vision de la
réalité, à une autre vision de la personne humaine. En effet, dans le respect
de la justice et de la prise en compte de la responsabilité, nous sommes tous
invités à condamner le péché sans condamner le pécheur, je répète, nous sommes
tous invités à condamner le péché sans condamner le pécheur. Condamner le
péché, pas de souci de ce côté-là, un acte est mauvais si sa matière est
mauvaise, si les circonstances ne le dédouanent pas de son poids moral, si la
volonté était claire, si la liberté était sauvegardée. Déterminer qu’un acte
est mauvais cela requiert un certain discernement mais reste relativement aisé.
Ainsi, après avoir effectué ce discernement nous pouvons considérer qu’un acte
est mauvais mais cela ne doit pas nous conduire à une condamnation sans
possibilité de rédemption. C'est-à-dire qu’il nous faut toujours garder à l’esprit
qu’une personne ne se réduit pas aux actes qu’elle pose, garder à l’esprit que
toute personne peut changer, garder à l’esprit que la conversion demeure une
réalité de notre identité humaine.
Prenons
un exemple en la personne de St Paul ? St Paul lui qui avait participé à
l’assassinat de St Etienne, lui qui persécutait les chrétiens, il aurait très
bien pu être condamné pour cela et pourtant il devint un des plus zélés apôtres
du Seigneur allant jusqu’à livrer sa propre vie !
Ainsi
il ne s’agit pas de considérer qu’aucun acte est mauvais, nous ne sommes pas au
pays des bisounours, il ne s’agit pas non plus de considérer que la justice ne
doive pas s’exercer dans son pouvoir de coercition, il s’agit tout en
reconnaissant la gravité des actes posés, en laissant la justice faire son
œuvre, il s’agit de permettre à la personne de retrouver le chemin du Bien,
permettre à la personne de découvrir son Seigneur et Sauveur et dès lors de
s’enraciner dans la vertu. La miséricorde se moque du jugement en ce sens où la
miséricorde rejoint la personne dans sa réalité et l’appelle à changer de vie
dans la reconnaissance du Christ Sauveur.
Et
pour des matières plus légères dans l’ordre de la médisance, il s’agit de ne
pas prêter foi à nos propres jugements qui sont bien souvent emprunt de nos
propres forces et de nos propres faiblesses, ne pas prêter foi à nos propre
jugement et rejoindre l’autre dans ses défaillances pour le soutenir dans le
chemin de la vertu et de la sainteté. La médisance condamne et invite la société
à faire de même, le chrétien lui rejoint l’autre dans sa grandeur, ses
potentialités et son mystère, pour le relever, l’aider à avancer et à
progresser.
Le
jugement péremptoire condamne l’autre en le réduisant à n’être que ce que nous
en percevons, conduit à placer l’autre dans une case, l’espérance permet à
l’autre d’exister par delà ce que j’en comprends et en saisi, certain que
chaque personne humaine peut devenir expression de la présence de Dieu qui me
dépasse et dépasse toute chose.
Et
pour revenir à l’Evangile, le manque de discernement peut évacuer le message en
considérant les faiblesses du messager ; la Foi, quant à elle, voit
au-delà des apparences et perçoit la grandeur du message malgré les faiblesses
du messager.
Alors
bien chers amis, il ne nous reste plus qu’une chose à faire, demandons au
Seigneur de nous faire devenir véritablement chrétien c'est-à-dire que notre Foi nous conduise à chasser de nos
vies tout jugement péremptoire, tout jugement à l’emporte pièce, à chasser de
nos vies toute médisance, et que notre Foi nous conduise à vivre porté par la
volonté d’aider toute personne à être relevée par la miséricorde et à vivre du
Christ Sauveur, à voir en chaque personne humaine un être aimé de Dieu qui
désire le rejoindre et le sauver car c’est bien en cette manière d’agir et de
vivre que nous serons véritablement chrétien. La Foi nous enseigne que Dieu ne
nous a pas condamné mais qu’Il nous a sauvé à notre tour, ne condamnons pas
mais conduisons chaque personne à se laisser sauver par le Christ.
Amen.
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