Je
ne me lasse pas d’entendre cette parabole du publicain et du pharisien car
cette parabole manifeste bien la grande différence qu’il peut y avoir entre
l’être et la paraître, car cette parabole nous rappelle cet essentiel qu’est le
degrés d’Amour qui doit habiter nos actes. Mais à chaque écoute, je perçois et
très certainement vous avec moi, nous percevons combien nous sommes parfois le
publicain et parfois le pharisien.
Le
pharisien est celui qui fait plus que ce que prescrit la loi de l’époque, au lieu
de jeûner une fois par an, comme le prescrivait la Loi (Lev., xvi, 26 ; Nombr.,
xxix, 7), il jeûne deux fois par semaine, et, au lieu de payer la dîme de tous
les revenus que lui assurent ses animaux et ses terres, comme le demandait
encore la Loi (Deut., xiv, 22-28 ; Lev.,
xxvii, 30), il paye la dîme de tout ce qu'il acquiert, qu'il s'agisse de ses
achats ou de son travail. Le pharisien estime en quelque sorte que Dieu est son
débiteur, il estime qu’à la vue de ses bonnes œuvres Dieu lui doit reconnaissance
et grâce. Et c’est bien là que se trouve la difficulté, ce ne sont pas ses
bonnes œuvres qui le condamnent en quelque sorte, c’est bien plutôt l’orgueil
qui l’éloigne du bon Dieu, c’est bien plutôt l’absence d’amour en toutes ses
bonnes œuvres qui rendent ses œuvres presque méprisable. Et nous pourrions tout
à fait actualiser cette figure du pharisien en considérant un ou une catholique
qui irait à la messe ô non pas uniquement le dimanche mais aussi en semaine,
qui participerait généreusement aux œuvres de charité mais qui de tout ça ne
tirerait qu’une gloriole personnelle, qui de tout ça ne tirerait que
l’aboutissement d’un désir d’être remarqué de par son semblant de générosité et
de piété, je dis semblant car une générosité sans amour, une générosité qui
n’aurait comme but que de satisfaire l’ego ce n’est plus vraiment de la
générosité ; car une piété sans amour portée uniquement par le désir de
paraître aux yeux des autres ce n’est plus de la piété. Ainsi, les bonnes
œuvres ne sont plus portées par le désir ultime du bien et de la charité, mais
les bonnes œuvres sont transformées en vue de satisfaire un orgueil valorisant.
Et si nous devions nous poser une question ce serait bien de savoir ce qui nous
fait agir, est-ce que nous agissons pour être bien vu, pour être reconnu, pour
manifester combien nous serions meilleurs que les autres ou bien est ce que
nous agissons par amour de Dieu, par désir de charité et donc sans intérêt si
ce n’est de plaire au Seigneur et de vivre de sa vie. Ainsi oui, nous sommes
tous invités à aller à la messe ô non pas uniquement le dimanche mais aussi en
semaine, nous sommes tous invités à participer généreusement aux œuvres de
charité mais nous sommes tous invités à faire tout cela par Amour de Dieu et
non dans un égocentrisme voilé
Le
publicain, quant à lui, au lieu d'attirer les regards, le publicain se dérobe à
l'indiscrète curiosité des hommes. Il se tient loin du pharisien et en arrière.
Il n'ose même pas lever les yeux au ciel. Il a le sentiment très vif de sa
misère. Il est confus et repentant. Il se frappe la poitrine, et par ce geste,
— qui fut toujours celui des âmes contrites, — il manifeste le fond de son
cœur. « O Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » dit-il, ne pensant qu'à
ses fautes, sans se comparer à personne. C'est l'aveu confiant et humble, sans
retour d'amour-propre, sans recherche de l'excuse par où l'orgueil, comme par
une fissure, pourrait entrer. Le publicain ne met pas en avant ses bonnes
œuvres mais face à Dieu il a conscience de sa petitesse, et il attend tout du
Seigneur avec une humilité vraie. Nous ne pouvons pas présupposer la qualité
morale de la vie du Publicain, même s’il était considéré comme pécheur publique
car il appartenait au fisc de l’époque on ne sait rien d’autres que cela. Et si
nous voulions actualiser cette figure du publicain, je serais tenté de dire
qu’elle correspond à la majorité d’entre nous, elle correspond à celui ou celle
qui essaye de vivre la radicalité évangélique tout en ayant conscience de ses
propres déficiences et des progrès qui sont encore à venir. Les bonnes œuvres
côtoient la misère et la personne s’avance humblement vers le Seigneur en
implorant sa miséricorde. Ainsi ce n’est pas la qualité morale qui est ici louée,
justifiée mais c’est bien l’attitude humble et confiante qui conduit à la
justification par le bon Dieu.
Et
Dieu accorde grâce et bonheur à ceux qui s’avancent humblement vers Lui porté
non par leur suffisance, non par l’illusion que leurs bonnes œuvres feraient de
Dieu leur débiteur mais porté par la reconnaissance de ses propres
insuffisances et surtout porté par une confiance inébranlable en la miséricorde
infinie du Seigneur, par un désir de Lui être toujours plus proche, par le
désir d’offrir sa vie à la louange de sa gloire, par le désir d’être tout à
Dieu malgré tout.
Ainsi,
je serais tenté de dire qu’il nous faut garder une part du pharisien cette part
qui désire vivre sa vie pleinement tournée vers le bon Dieu, qui désire aller
toujours plus loin dans les bonnes œuvres, qui désire vivre sa vie dans la
radicalité de l’évangile, dans une amitié toujours plus intense pour le
Seigneur ; et, avec tout cela, il faut y joindre une part du publicain,
celle qui consiste à s’approcher du Seigneur les mains vides, rendant grâce
pour le bien qui a été permis et appelant la miséricorde sur tout le reste.
Et
nous pourrons ainsi faire nôtre ce passage de l’acte d’offrande de Ste Thérèse
de Lisieux : « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les
mains vides, car je ve vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres.
Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre
propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même.
Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !… »
Amen.