« Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir », cette finale de l’évangile de ce dimanche, nous pouvons la recevoir porté encore par la belle fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face que nous honorions hier. Ste Thérèse apparaît, dans l’ordre du monde, comme une servante inutile, elle qui est rentrée au Carmel dès son plus jeune âge et qui ne le quitta jamais. Entre les 4 murs du Carmel de Lisieux, sa vie s’écoula dans la vie religieuse faite de prières, de vie communautaire et du travail de ce temps. On peut tout à fait affirmer que Ste Thérèse n’a rien produit à l’image de tous ces contemplatifs qui aujourd’hui encore ont choisi d’être à part du monde. Mais si Ste Thérèse n’a rien produit dans l’ordre matériel, elle demeure celle qui est reconnue pour sa fabuleuse action et ce à travers sa prière hier au Carmel et aujourd’hui dans la gloire du ciel. Ainsi, elle nous rappelle une chose essentielle que la vie trépidante de notre modernité tend à nous faire oublier, elle nous rappelle que la plus grande force en notre monde est bien celle de la prière, elle nous rappelle que la consécration à Dieu peut-être une source de grâce pour l’ensemble du peuple chrétien mais aussi pour le monde. Il nous faut donc faire le deuil d’une vision trop matérialiste, trop productiviste de l’existence. L’essentiel en notre vie n’est constitué que par ce qui nous ouvre à l’éternité.
Mais si
comme toutes les belles figures de saints, Ste Thérèse nous rappelle
l’essentiel qu’est le ciel, Ste Thérèse est également reconnu comme docteur de
l’église, c'est-à-dire que son enseignement tout entier est proposé au peuple
chrétien car certifié comme étant une voie pour avancer sur la voie difficile
de la sainteté, comme une voie qui conduit droit vers le ciel. Et nous
connaissons pour la plupart l’essence de ce chemin thérésien, c’est celui de la
petite voie, de la voie d’enfance. Cette voie d’enfance qui n’est pas fait que
pour les enfants et qui nous invite à nous dessaisir de nous même afin de
laisser toute la place au Seigneur, qui nous invite à construire notre relation
avec le bon Dieu à l’image de la relation d’un enfant avec son divin Père. Et
c’est bien là que nous pouvons tous éprouver de la difficulté, pour nous qui
tenons à notre autonomie, qui répugnons à nous laisser faire même si cela
signifie se laisser faire par le Seigneur Lui-même. Cette petite voie d’enfance
doit nous conduire à incarner en nos vies cette belle phrase de St Paul :
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Mais par
delà cette petite voie, l’enseignement de Ste Thérèse se déploie à chaque pages
de ses nombreux carnets et c’est d’un de ses carnets qu’a jailli le chant que
nous prendrons, ce chant qui débute par ces simples mots : « Moi si
j’avais commis tous les crimes possibles je garderai toujours la même
confiance ». Cette courte phrase, cette courte affirmation, peut-être
reçue par bon nombre d’esprit moderne pour l’inverse de ce que Ste Thérèse
désire enseigner. En effet, pour bon nombre, cela signifie que l’on peut être
totalement maléfique en cette vie, la miséricorde divine sera toujours là et
donc, et c’est dans ce donc que se trouve le nœud du raisonnement, et donc il
ne sert à rien d’essayer d’éviter le mal, autant s’y plonger puisqu’il sera
toujours temps de profiter de la miséricorde.
L’erreur de
cette réflexion ne se trouve pas dans l’affirmation que la miséricorde peut
effacer une multitude de péché, c’est un enseignement véridique car
évangélique : « à où le péché a abondé, la grâce a surabondée ».
Ainsi oui, la miséricorde est infinie et Dieu désire l’appliquer à toutes les
âmes qui se tourne vers Lui dans la conscience d’un cœur contrit, porté par
l’Amour de son saint Nom et le regret des péchés accomplis. L’erreur de cette réflexion
se situe bien dans le donc car cette conjonction de coordination insinue que la
pratique du bien et la recherche de la vie morale est un mal en ce sens qu’il
est bien souvent plus facile d’agir selon ses passions, d’agir mal plutôt que
d’agir bien. Et je vais vous dire que c’est bien vrai, il bien souvent plus
aisé de mal agir et il est souvent plus éprouvant de rechercher le bien. Mais
pourquoi est-ce que nous désirons bien agir ? Est-ce que nous désirons
bien agir pour ne pas avoir besoin de la miséricorde divine ? Je ne crois
pas, car la personne bien portante évite d’être malade parce qu’elle se désire
en bonne santé et non pas parce qu’elle ne veut pas user du remède. Ou encore,
est-ce que nous agissons mal pour avoir besoin de la miséricorde divine ?
Je ne crois pas non plus car la personne malade est heureuse de trouver un
remède et ne désire pas, après avoir retrouvée la santé, ne désire pas retomber
malade.
La
miséricorde est le remède, le péché est la maladie. Et remarquons que si en nos
vies nous recherchons à agir d’une manière bonne c’est bien parce que cela nous
conduit au bonheur ; le bien agir fait les bienheureux, le mal agir fait
les malheureux. De plus, si cela est vrai pour tout homme, pour nous chrétien
il y’a une réalité supérieur à cette simple quête du bonheur : c’est notre
amour de Dieu. Car oui, c’est notre amour de Dieu qui doit nous conduire à
rechercher la vie droite et juste, la vie sainte qui nous donnera de vivre dès
ici-bas dans une proximité avec le bon Dieu que nous aimons. Si en nos vies
nous recherchons à fuir le péché c’est certes parce qu’il induit un certain
malheur mais surtout parce que le péché nous éloigne de Dieu et cela même si
nous savons que sa miséricorde nous est acquise.
Et si nous
prenions le temps d’y songer, serait-il possible qu’un homme profondément
chrétien, animé d’un amour ardent pour le Seigneur, serait-il possible que cet
homme sombre volontairement et librement, non par faiblesse mais bien
volontairement et librement dans le péché, blessant cet amour divin qui le fait
vivre en se disant que la miséricorde sera là ? Cela est impossible si
l’amour est ardent, cela est possible si l’amour est tiède…
Alors oui,
avec Ste Thérèse, il nous faut affirmer que la miséricorde divine est infinie,
rejoignant tous les pécheurs qui se tournent vers Dieu avec un cœur contrit
mais il nous faut également affirmer avec force que la miséricorde ne rend pas
le péché insignifiant, ce péché qui peut blesser l’âme humaine jusqu’à la
conduire à la géhenne, jusqu’à la conduire en enfer. La miséricorde est la plus
belle manifestation de l’Amour de Dieu à notre encontre et elle ne peut se
recevoir que dans une relation vraie qui ne peut admettre l’hypocrisie. Alors
recherchons la vie droite et juste, recherchons la vie sainte non par devoir
mais bien par amour, vivons de la miséricorde du Seigneur en reconnaissant
notre faiblesse, annonçons à tous la miséricorde infinie du Seigneur qui ouvre
à l’éternité et ne cessons jamais de combattre le péché qui est négation de
Dieu.
Amen.