Dans
l’évangile de ce dimanche, je vous propose de nous laisser enseigner par le
Seigneur Jésus et cela à travers ces deux figures : celle du pharisien et
celle de cette femme pécheresse.
Tout
d’abord le pharisien, le pharisien est un professionnel de la religion, il se
considère comme étant irréprochable dans l’observance de la loi se considérant
peut-être même comme pur dans l’ordre de la Foi. Ce pharisien invite le
Seigneur Jésus ce qui en soi est une bonne chose mais notons quelle est son
attitude face au Seigneur. Le pharisien ne va pas poser de gestes exprimant un
quelconque respect particulier et même au contraire, il ne va pas accueillir le
Seigneur Jésus comme un hôte de marque car il n’a pas lavé les pieds du
Seigneur Jésus, ne l’a pas embrassé, n’a pas fait d’onction. Le pharisien n’a
posé aucun des gestes de ce temps qui correspondrait à un quelconque respect
particulier et si le pharisien n’a pas fait tout cela c’est tout simplement
parce qu’il a accueilli le Seigneur Jésus comme son égal. Nous voyons
transparaître un certain orgueil, un orgueil spirituel. Et nous percevons
l’absence d’affection envers le Seigneur Jésus qui est jugé intérieurement à la
venue de la femme pécheresse.
Cette
femme pécheresse est en définitive le contraire exact du pharisien. Elle ne se
considère pas comme pure dans l’ordre de la Foi, elle a très certainement
conscience que les actes qu’elle a pu poser l’ont éloignés du bon Dieu, ont
blessés cette relation qui l’unissait à Dieu. Mais la pécheresse n’essaye pas
de se justifier, elle n’essaye pas d’argumenter d’ailleurs aucune paroles ne
passent ses lèvres. Elle va simplement poser des gestes, des gestes qui
expriment toute la contrition qu’elle a face au péché qui est le sien, elle va
se placer au pied du Seigneur Jésus et elle va honorer le Seigneur qu’elle
reconnaît.
Et
si je débutais cette homélie en nous disant qu’il nous fallait nous laisser
enseigner par ces deux figures du pharisien et de la femme pécheresse c’est
parce que nous naviguons bien souvent entre ces deux référentiels. Nous
agissons parfois à l’image du pharisien qui certes va accueillir le Seigneur
Jésus mais qui en même temps ne se laisse pas bousculer par sa présence, il
côtoie Jésus en oubliant que Jésus est le Seigneur. Et nous pouvons parfois
nous retrouver en cet état lorsque nous perdons le sens de la présence du
Seigneur en nos vies, le Seigneur est là mais nous ne nous laissons pas
embraser, transformer par sa présence. Le pharisien est aussi celui qui pose un
jugement de condamnation. La femme qui s’approche jusqu’aux pieds du Seigneur
Jésus n’est plus perçue dans la réalité de sa personne mais elle est simplement
réduite à son péché. Elle est une pécheresse, point à la ligne, aucune
perspective de rachat, de salut, de miséricorde, de conversion. Et nous suivons
parfois ce même mouvement du jugement implacable porté en ce sens par notre
temps qui condamne promptement. La condamnation des actes est bien entendu
toujours nécessaire mais la condamnation doit toujours s’accompagner d’une
possibilité de rédemption, de miséricorde tout comme le Seigneur Jésus agît
envers cette femme.
Mais
si nous avons parfois des relents de pharisianisme, nous sommes également à
l’image de la femme pécheresse lorsque dans un élan de lucidité et de réalisme
nous reconnaissons combien nous sommes encore loin de la perfection, combien
nous sommes encore loin de la sainteté, combien nous avons encore besoin de
nous rapprocher du bon Dieu en nous laissant recouvrir de sa miséricorde. La
femme pécheresse dans l’évangile ne nous est pas décrite plus que cela, elle
est une pécheresse, rien d’autres ne nous est enseigné. Et c’est peut-être là
que se trouve le plus beau message de l’évangile de ce dimanche car si la femme
pécheresse agit ainsi et obtient du Seigneur grâce et miséricorde.
Reconnaissons que nous sommes nous tous des hommes pécheurs et des femmes
pécheresses et, dès lors, nous devrions tous être poussés à nous jeter au pied
du Seigneur Jésus et à laver ses pieds de nos larmes et, si nous agissons ainsi
dans un humble réalisme, le Seigneur Jésus nous dira à nous aussi :
« Tes péchés sont pardonnés, ta Foi t’a sauvé, va en paix ».
Il
nous faut donc rejeter toute imitation du pharisien de l’évangile qui, en un
certain sens, est peut-être une juste image du monde et de la mondanité, une
construction sur une perfection illusoire ; il nous faut au contraire
imiter la femme de l’évangile en reconnaissant nos limites dans un réalisme
entier non pas pour nous en affliger mais pour poser sur nous-mêmes un regard
juste et vrai et pour percevoir combien nous avons besoin du Christ, du salut
et de la miséricorde.
Ce
qui est certain c’est que tout pharisien est appelé à devenir une femme
pécheresse, tout suffisant illusoire est appelé à être pénitent réaliste. Et en
ce sens laissé mois vous raconter un petite témoignage d’un jeune, il
raconte :
« J’allais
mal depuis longtemps, mais je me réfugiais dans une attitude rebelle et le
mensonge. J’avais compris comment il fallait vivre et le monde entier avait
tort. Vis-à-vis des autres, alors même que tout allait de travers pour moi,
j’affirmais que tout allait bien. Lorsque ma souffrance est devenue vraiment
trop grande, il m’est devenu impossible de la nier, du moins à moi-même. Je me
suis alors interrogé sur le pourquoi de cet état. Mais étant orgueilleux, je ne
pouvais me sentir responsable de ma situation. Ma souffrance n’était due qu’aux
autres : mes parents, mes professeurs, l’église, les politiques, la société
toute entière,…
Tout
en le niant, j’étais tout entier remplis de culpabilité. Mais trop fier pour
reconnaître mes torts, je me posais en victime. Pour moi, Dieu était peut-être
juste, mais très dur, sévère, pour ne pas dire impitoyable. Et comment imaginer
qu’Il puisse être bon avec toute la souffrance qui inonde le monde ? Mes problèmes
me paraissaient immenses et insurmontables. Puis, grâce à une rencotre, j’ai
découvert que Dieu était miséricordieux. Autrement dit que malgré tous mes
défauts, toutes les erreurs que j’avais commises, Dieu m’aime et est
bienveillant. En définitive, mon parcours a commencé par la prise de conscience
que Dieu n’est pas mauvais, malveillant.
Lorsque
j’ai su que j’étais aimé par Dieu, véritablement aimé, non pour ce que
j’essayais de paraitre être, pour l’image que j’essayais de renvoyer, ce fut un
véritable soulagement. Il n’était à présent plus nécessaire de me défendre.
Dieu sait tout et m’aime tel que je suis.
C’est
alors que plein d’amour, le cœur se brise, plus besoin de paraitre. C’est une
véritable libération. J’ai enfin reconnu la réalité de mon état devant Dieu, la
Vérité même. Le mensonge a disparu et j’ai reconnu ma responsabilité.
Arrivé
là, le sentiment de culpabilité m’a quitté laissant la place à celui de
responsabilité de mes actes, de tous mes actes. J’ai reconnu la laideur de ce
que j’avais pu faire. Cela m’a conduit au repentir. Le repentir, c’est une
reconnaissance de ses fautes, de sa responsabilité, ainsi qu’un sincère regret
de l’avoir commis, un désir ardent que Dieu nous pardonne et celui de réparer
autant que possible les conséquences de nos erreurs.
Mon
accession à la vie de l’Eglise s’est accompagnée d’un retour au réel. Je
n’exige plus de la vie ce qu’elle ne peut pas me donner. Je me reconnais tel
que je suis, avec mes talents, mais aussi mes limites. Le monde est tel qu’il
est, il faut faire tout notre possible pour l’améliorer, mais tel qu’il est, je
peux déjà être heureux.
Dieu
est bon et miséricordieux et accorde toujours son pardon au repentant.
Reconnaissant, l’on pardonne à son tour à tous, et alors le cœur repose dans
une profonde paix. »
A
l’image de ce jeune demandons au Seigneur en ce dimanche de nous faire naître
au réel de ce que nous sommes et au réel de son Amour infini pour chacun de
nous car c’est bien là que débute le véritable chemin de sainteté où Dieu peut
prendre toute sa place.
Amen.