C’est
le silence de la mort qui règne en nos âmes en nos cœurs. Nous avons tressailli
à chaque blessure infligée au Seigneur, nous avons souffert avec Lui de cette
affreuse passion, nous avons effleuré en notre être la douleur aigu des clous
déchirant la chair dans la gêne insupportable de la couronne d’épine. Regardons
ce que nous avons fait au Seigneur, regardons ce que nous avons fait à notre
Dieu !
Et
pourquoi ? Parce qu’Il nous invitait à l’amour, parce qu’Il nous invitait
à la béatitude éternelle ou bien plutôt parce qu’Il nous rappelait que tout
homme est notre prochain, parce qu’Il nous rappelait que le pardon est la seule
issue à tout conflit, parce qu’Il nous rappelait que la vie de toute personne
est infiniment précieuse… Ne cherchons pas ailleurs qu’en la malignité du péché
les raisons de cette crucifixion inique. Ne cherchons pas ailleurs que dans
l’autosuffisance de l’homme les causes de ce drame ignoble. Rendons nous compte
que l’homme a tué Dieu pour suivre sa propre route. L’homme a tué Dieu, ces
mots improbables doivent nous faire frémir.
Mais
par-delà les cris de haine qui accompagnent le supplice de notre Seigneur,
par-delà la satisfaction des bourreaux qui se réjouissent de leur œuvre
mortifère, ce sont les sanglots de la Très Sainte Vierge Marie que nous
percevons dans le brouhaha inhumain. La Sainte Vierge Marie qui demeure là,
accompagnant la chaire de sa chaire, accompagnant son Fils en son cœur
transpercé d’un glaive de douleur. Et Sainte Marie-Madeleine est également là,
elle qui a été pardonné par le Seigneur de ses nombreux péché, elle demeure
saisie par l’amour du Seigneur et tout en souffrant de Le voir souffrir elle
désire simplement être là aux côtés de son Seigneur. St Jean aussi, unique
représentant des apôtres, accompagne le Christ sans comprendre comment
l’aventure peut se terminer dans une flaque de sang au pied d’une croix. Le
cortège funèbre qui accompagne le Seigneur Jésus Christ est bien loin de cette
foule qui l’acclamait tantôt. Où sont les milliers de disciples, où sont les
autres apôtres. Le mal a fait s’envoler comme une volée de moineaux tous les
amis du Seigneur et Jésus se retrouve presque seul face au supplice.
Puis
la mort a fait son œuvre, Jésus est mort. Son corps suspendu demeure sans vie
mais malgré cela, un dernier outrage vient profaner ce corps par le coup de la
lance qui lui ouvre le cœur. Jésus est mort, Dieu est mort, tout semble fini,
l’aventure est terminée, les miracles sont oubliés, les belles paroles
également, la mort implacable s’est imposée, comme toujours. Et c’est dans un
tombeau que le Seigneur est déposé, ce tombeau qui est comme l’impasse dans
laquelle semble se conclure l’histoire extraordinaire de ce Jésus. Ô comme le
désarroi devait être immense pour les apôtres. Imaginons saint Pierre pleurant
sur son regret d’avoir renié son Seigneur, imaginons tous ces apôtres honteux
d’avoir déserté l’amour qu’ils ont pourtant encore envers le Seigneur, la
funeste douleur devait être écrasante. Et quelle horreur que de considérer que
c’est l’homme qui de ses mains a arraché à la vie celui qui pourtant ne faisait
qu’aimer… Paradoxe inconcevable de notre humanité toujours prête au meilleur
mais en même temps accomplissant le pire. Mais nous savons qu’en ce jour de
ténèbres pointe déjà la lumière diffuse de la résurrection, la mort a
aujourd’hui son jour mais la résurrection quant à elle aura l’éternité.
L’impasse du tombeau volera en éclat pour laisser s’échapper celui qu’elle ne
peut retenir, Jésus Christ. Les larmes de regret de saint Pierre seront essuyés
par celui-là même qu’il avait trahi, la honte des disciples sera balayé par
l’amour de celui qu’ils ont abandonné, le monde lui-même sera aimé dans ce don
ultime que le Seigneur fera en l’Eglise qu’Il établit. Oh bien sûr les ténèbres
continueront de lutter désespérément tout en sachant qu’elles ne peuvent rien
contre la lumière irradiante de la résurrection. Mais ce soir, demeurons au
tombeau, demeurons auprès de ce corps sans vie qui porte encore les marques
sanglantes des coups subis mais qui cache la douleur morale engendrée par tous
les péchés qui maintenant sont rachetés. Car si le corps physique a souffert
horriblement, le Christ devait bien plus souffrir de tous les péchés, de tous
nos péchés qu’Il a porté jusqu’à la croix pour les expier, pour en obtenir
miséricorde. Douleur physique et douleur morale ont écrasés notre Seigneur pour
nous, pour que nous puissions maintenant savoir que nous sommes rachetés par le
sacrifice du Christ, pour que nous puissions savoir que la mort n’est pas la
fin de tout mais qu’elle n’est que le voile cachant l’éternité, pour que nous
puissions savoir à quel point Dieu nous aime. Restons au tombeau, veillons le
corps sans vie de celui que nous aimons et qui nous a aimé jusqu’au bout.
Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire