Tant de
siècles, tant d’années se sont écoulés et pourtant nous retournons ce soir
auprès du Seigneur et nous désirons être présents en ce dernier repas, en cette
sainte cène durant laquelle le Seigneur nous fit le don incommensurable de la
sainte eucharistie. Et nous pouvons nous imaginer la gravité, la solennité de
cet instant où le Christ prononça pour la première fois ces paroles tant
répétés par tant de prêtres à travers les âges : Ceci est mon corps ;
Ceci est mon sang ; Faites cela en mémoire de moi. Et à chaque fois que
nous entendons ces mots en nos eucharistie et bien ce sont nos âmes qui
revivent cette sainte cène, qui revivent le don que le Christ fait de Lui-même
en la sainte messe.
Et il est
malgré tout étonnant de recevoir les textes de la liturgie de ce jour. Etonnant
car si St Paul nous a permis de revenir au dernier repas du Seigneur, au don de
la sainte eucharistie, les autres textes pourraient lui sembler étranger. Mais
il n’en est rien, bien entendu, la liturgie désire nous faire aller plus loin,
désire nous permettre de jeter un regard qui dépasse le simple évènement pour
prendre une hauteur toute emprunte de vérité spirituelle.
Car le don
de l’eucharistie s’inscrit pleinement dans l’ensemble de la mission du Seigneur
et donc dans l’ensemble du dessein divin, de l’histoire sainte. L’agneau
Pascal, cet agneau qui est offert en sacrifice par le peuple d’Israël, le sang
de cet agneau qui épargne la mort à ceux qui sont les fils d’Abraham, cet
agneau qui évite le jugement et qui conduit à la libération du peuple d’Israël,
cet agneau est l’image même du Christ. La figure de l’agneau pascal est
pleinement accomplie en la personne du Christ. Tout comme l’agneau pascal, le
Christ est offert en sacrifice pour le peuple ; tout comme l’agneau pascal,
le Christ évite le jugement de son peuple comme Il nous le dit en l’évangile
selon St Jean : « je ne suis pas venu juger le monde, mais le
sauver » ; tout comme l’agneau pascal, le Christ permet la délivrance
de son peuple « Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger
le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui », tout comme l’agneau
pascal, le Christ pousse son peuple vers un pays où coulent le lait et le miel
« Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que
quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle ». Tout
ce que l’agneau pascal préfigurait le Christ l’a accompli, Lui qui « comme
l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir » a désiré souffrir sa passion
pour nous obtenir le salut.
Et si
aujourd’hui, si ce soir nous célébrons le don ineffable de l’eucharistie il
nous faut bien souvent nous rappeler que l’eucharistie, que la messe est
l’unique sacrifice du Christ. A chaque eucharistie, nous revivons la sainte
Cène que nous célébrons ce soir, nous revivons la passion du Seigneur, sa mort
et sa crucifixion, nous revivons son sacrifice qui est rendu présent sur cet
autel, nous revivons par sa résurrection qui nous illumine l’âme à chaque
communion à son corps lors de la communion. C’est tout cela qui se passe à
chaque messe, chaque dimanche, et nous pouvons imaginer ô combien se doit être
dure pour le Seigneur que d’entendre tant de chrétiens dire qu’ils n’ont pas le
temps d’y venir, pas le temps de venir, de l’accompagner en sa passion, de le
recevoir en la sainte communion. Quelle tristesse, quel gâchis pour leurs âmes,
quel tristesse pour le Seigneur.
Mais
l’homme est libre car Dieu ne désire pas le contraindre par la force en
envoyant des myriades d’anges pour ordonner l’humanité. Ce n’est pas la manière
de faire du Seigneur. Dieu demeure celui qui est en quête de l’homme et qui
désire attirer l’homme non par la force mais par la puissance de son amour qui
s’exprime éminemment par son abaissement, par son humiliation. Car Il n’a pas suffi
à Dieu de quitter la gloire du Ciel pour se faire l’un de nous, pour se faire
homme. Oui Dieu s’est abaissé jusqu’à nous rejoindre mais en plus, en étant
l’un de nous, Il n’a pas voulu régner en maître sur chacun de nous, au
contraire, Il s’est fait serviteur pour nous. Dieu s’est fait serviteur, Dieu
s’est fait notre serviteur ! Allons-nous le renvoyer d’un geste tel un
simple laquais où allons-nous discerner en Lui la grandeur de Dieu qui soupire
d’impatience de servir l’homme en lui communiquant le salut !
Tel est
tout le sens du lavement des pieds que nous a livré le texte d’évangile et que
nous allons vivre dans quelques instants. Le Christ s’abaisse devant nous et Il
désire nous laver les pieds c'est-à-dire nous purifier de tout mal pour nous
permettre de demeurer avec Lui. Prenons conscience et imaginons en nos âmes, en
nos cœurs, le Christ s’avançant vers nous, se mettant à genoux devant nous pour
nous laver nos pieds. Et en notre humanité nous aimerions tant le relever
prestement pour nous mettre nous-même à genoux devant Lui mais ce ne serait pas
la meilleure manière de l’aimer. La meilleure manière d’aimer le Seigneur c’est
de nous laisser faire, de le laisser faire car c’est Lui qui nous donne par-là
la grâce d’être avec Lui. En ce soir, laissons le Christ nous laver les pieds,
laissons Dieu se mettre à genoux devant nous en pleurant de ne pas en être
digne, en pleurant devant son abaissement signe sublime de son amour infini
pour nous.
Amen.
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