Ce
soir nous célébrons le dernier repas, la cène du Seigneur et il nous faut
recevoir cet instant comme essentiel dans l’ensemble de la mission du Seigneur
Jésus. Ce soir, tous les apôtres entourent le Seigneur Jésus, tous car Juda est
parmi eux. Le Seigneur sait que son supplice approche, le Seigneur connaît
celui qui le livrera, le Seigneur sent cette présence diabolique dans l’âme de
Juda mais le Seigneur n’affronte pas tout cela, bien au contraire, Il pose des
gestes essentiels que la liturgie nous rappelle.
Le
premier est celui du lavement des pieds et en considérant cet instant nous ne
pouvons qu’être interrogé par ce geste tout comme St Pierre le fut en son
temps. Comment Dieu peut-il se mettre à genoux devant nous pour nous laver les
pieds ? Ou bien plutôt, qui donc est Dieu pour se mettre à genoux devant
nous pour nous laver les pieds ? Dans ce geste est englouti toutes les
visions autoritaires d’un dieu esclavagiste du genre humain, d’un dieu
condescendant de la misère humaine. Ce geste-là manifeste étonnamment
l’humilité de Dieu envers chacun de nous. Dieu est humble, quelle leçon !
Quelle leçon pour nous qui tendons bien souvent à faire de Dieu ce que nous
voulons, qui tendons à faire de Dieu un serviteur de nos intérêts, de nos
désirs, de nos rêves d’avenir. Dieu est humble face à nous de cette humilité
qui ne se traduit que par cette quête d’amour qui L’anime. Dans ce geste, Dieu
signe ce visage d’Amour qu’Il nous a révélé à travers chacun des gestes,
chacune des Paroles du Seigneur Jésus.
Mais
Dieu ne fait pas uniquement que nous montrer son visage, Dieu va plus loin,
Dieu se donne à nous. Quel mystère immense que celui-ci, Dieu se fait
nourriture, Il se fait pain de la route qu’est l’existence humaine, Il se fait
si petit qu’Il tient dans la paume de la main, Il se fait si petit qu’Il se
cache sous le voile du pain qui cache sa présence bien réelle. Ô combien nous
devrions révérer ce sacrement de l’eucharistie, ô combien à chaque messe nous
devrions être saisi par tant d’abaissement. Parfois on entend dire que l’on
s’ennuie à la messe tout ça parce que le mystère n’est pas accueilli, parce que
les sens ne laissent pas la place à cette vision de l’âme qui perçoit, elle,
l’infini mystère. Dieu est là, Dieu se donne voilà la réalité, voilà l’essentiel !
Y’aurait-il quelque chose de plus grand en ce monde que cela ? Dieu est
là, Dieu se donne, Il se donne à nous et l’habitude nous fait parfois le
recevoir sans attention, sans présence à ce mystère, sans la révérence du cœur
et de l’âme qu’Il mérite ô combien. Si nous avions conscience de la réalité de
l’eucharistie nous demeurerions immobile, incapable de bouger, happé par le
mystère. Dieu est là et nous n’en ferions pas cas ?
Usons
si vous le voulez bien de notre imagination. Imaginons-nous en cette église,
seul, l’obscurité naissante et le silence nous abîme dans la prière. Les yeux
fermés nous goûtons de la présence divine, notre âme est transporté en Dieu,
paix et joie inonde notre âme. Ouvrant les yeux, nous voyons le Seigneur se
tenir devant nous, juste là. Son regard nous transperce de cet amour indicible
et infini. Le temps s’arrête. Aucun geste n’est possible, aucun mouvement ne
vient brouiller cet instant. Et le Seigneur disparaît comme aspiré par notre
âme. Le silence est de nouveau palpable, l’obscurité plus insistante, tout a
repris sa place, tout semble comme avant mais en se penchant sur notre âme nous
y découvririons le Seigneur présent, aimant, comblant. Et bien c’est cela, la
messe, c’est cela la communion, Dieu est là, Il nous regarde, Il nous aime, Il
se donne à nous, rien de plus beau ni plus essentiel.
Et
avec cette conscience aigue de la présence du Seigneur nous pourrions avoir une
tentation, celle de se juger indigne d’un si grand honneur, celle de se juger
indigne de recevoir Dieu Lui-même et bien laissons-nous enseigner par St
Jean-Marie-Baptiste Vianney dit le curé d’Ars, il disait :
« Ne
dites pas que vous n’en êtes pas dignes. C’est vrai, vous n’en êtes pas dignes,
mais vous en avez besoin. Si Notre Seigneur avait eu en vue votre dignité, Il
n’aurait jamais institué son beau sacrement d’amour ; car personne au
monde n’en est digne, ni les saints, ni les anges, ni les archanges… mais Il a
en vue nos besoins, et nous en avons tous besoin. Ne dites pas que vous êtes
pêcheur, que vous avez trop de misères et que c’est pour cela que vous n’osez
en approcher. J’aimerais autant vous entendre dire que vous êtes trop malades
et que c’est pour cela que vous ne voulez point appeler le médecin »
Dieu
se donne à nous car nous avons besoin de Lui malgré et à cause de notre
indignité, ne refusons pas ce don qu’Il nous fait de Lui-même, accueillons-Le
tel le Roi de l’Univers qu’Il est, cherchons à L’aimer comme Lui nous aime,
recevons Le non pas dans la tiédeur de l’habitude mais dans l’exceptionnalité
de ce don infini qui nous est accessible chaque jour.
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