« Laissez-vous
réconcilier avec Dieu », comme ces quelques mots ont quelque chose
d’étrange, nous laisser réconcilier avec Dieu. Bien souvent c’est le mouvement
inverse qui nous habite, nous désirons nous réconcilier avec Dieu. Lorsque par
exemple nous nous approchons du sacrement de la confession, nous sommes bien
porté par un tel désir, c’est nous qui voulons, c’est nous qui nous mettons en
mouvement, qui nous approchons, qui nous avançons. Et pourtant, et pourtant il
nous faut bien reconnaître que nous nous approprions un désir et un mouvement
qui nous dépasse et qui ne trouve pas son origine en nous. Dieu est principe,
origine de ce mouvement de retour vers Lui. Ainsi lorsque nous désirons revenir
à Dieu, être rétabli dans sa grâce, ce désir s’origine d’abord en Dieu car
c’est Dieu qui n’a de cesse de nous appeler, de nous rechercher, de nous
ramener à Lui.
Il
s’agit bien d’un changement de référentiel, d’un changement de perspective qui
manifeste combien Dieu se soucie de nous, qui manifeste que l’œuvre la plus
grande que nous sommes appelés à accomplir ici-bas consiste à accueillir le
désir divin, consiste à accueillir la volonté de salut que Dieu a pour chacun
de nous, consiste à nous laisser saisir par cette quête de Dieu à notre
encontre. Alors oui, il nous faut nous laisser réconcilier avec Dieu car Dieu
est à l’origine de tout mouvement vers Lui. Mais ce qui nous appartient c’est
de nous approprier ce désir de réconciliation, c’est de reconnaître que nous
avons besoin d’être réconcilié avec Dieu. Et ce petit pas qui semble
insignifiant est en réalité bien difficile à mettre en œuvre réellement car il
suppose que nous reconnaissions que nous ne sommes pas parfait, que nous ne
sommes pas saint, que nous ne sommes pas tout à Dieu. Ô il est vrai que nous
n’aurions pas l’orgueil de dire que nous sommes parfaits ou saints ou tout à
Dieu mais si nous ne le disons pas nous le vivons bien souvent. Pour bien
comprendre cela il suffit de constater combien nous avons cette capacité à nous
trouver des excuses : « j’ai fait ceci ou cela, j’ai pensé ceci ou
cela mais c’est parce que j’y étais obligé, obligé par les évènements ou bien
par les personnes ». Nous avons une formidable capacité à nous
déresponsabiliser. Et même, sans aller si loin, nous nous sommes malheureusement
bien souvent habitué à nos errances comme si nos errances étaient une fatalité
qui ne mettait pas en jeu notre volonté et notre intelligence. Pour reconnaître
cela, il suffit de poser un regard réaliste sur notre fonctionnement qui
peut-être porté par notre orgueil mais qui peut également être porté par le
démon qui n’a de cesse de nous fermer les yeux sur nos péchés pour que nous
poursuivions insidieusement sur cette voie.
En
nous disant cela, il ne s’agit pas bien entendu de nous abîmer dans la
désespérance mais il s’agit de prendre conscience que nous avons bien du mal à
poser un regard juste sur nous-mêmes. Nous disons que nous ne sommes pas
parfaits mais nous nous accommodons de nos imperfections qui tendent à
s’établir en nous même et à prendre de plus en plus d’importance. Dès lors, il
nous faut nous attacher au réel, à la réalité de notre personne, à la réalité
de notre agir et de notre pensée en considérant tout cela dans la réalité
éternelle qu’est Dieu en Lui-même. Et en prenant un peu de hauteur avec
nous-mêmes nous ne pourrons que constater combien nous avons besoin d’être constamment
réconcilié avec Dieu et combien Dieu a hâte de nous réconcilier avec Lui.
Pour
nous aider à cela, il nous suffit de nous comparer à nos frères et sœurs les
saints du ciel pour percevoir combien nous sommes loin d’eux. Il ne s’agit pas
ici d’humiliation mais de réalisme qui conduit à l’humilité. Et c’est bien ce
que désire signifier le geste de l’imposition des cendres dans un rappel criant
de notre inconsistance pour nous qui sommes poussières et qui retournerons à la
poussière, dans un rappel criant de la main que Dieu nous tend pour élever la
poussière que nous sommes jusque dans la gloire de la béatitude, dans un rappel
criant de la nécessité que nous avons à accueillir toujours plus intensément la
grâce dont Dieu nous comble.
Alors
lorsque nous nous approcherons pour recevoir les cendres, ayons ce sentiment
intérieur d’humilité, ayons ce sentiment de reconnaissance de la bonté infini
de Dieu pour nous Lui qui a tout donné pour la poussière que nous sommes, ayons
ce sentiment de disponibilité à l’Amour de Dieu qui nous réconcilie avec Lui.
Et débutons ce carême non pas avec de grands projets mais avec ce désir d’être
toujours plus disponible au Seigneur avec ce désir unique qui fait les saints
du ciel.
Amen.
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