La
fête de la croix glorieuse est en elle-même paradoxale. En effet aujourd’hui
nous fêtons la gloire de cet instrument mortifère, de ce bout de bois maculé de
sang, de ce gibet qui conduisit le Christ jusqu’en la mort. L’objet en tant que
tel revêt une certaine importance mais il nous faut le considérer de plus loin,
il ne nous faut le considérer que comme la pièce d’un puzzle, comme un élément
certes essentiel mais comme un simple élément d’édification de notre salut. Car
cette croix a permis l’élévation du Seigneur donné par elle en ostentation à la
face du monde. La croix est l’ostensoir du Seigneur qui se donne à voir et à
contempler à l’humanité. La croix fut elle-même instrument du salut en exposant
au monde les souffrances consenties par Dieu Lui-même, en exposant au regard de
l’homme le don ultime consentie par le Christ.
En
leurs temps, les premiers chrétiens ne pouvaient pas conserver ce signe de la
croix du Seigneur comme symbolisant le don du salut car ils avaient encore à
l’esprit toute la douleur qui accompagnait ce supplice inhumain ce pourquoi ils
y avaient préféré le poisson. Aujourd’hui ce souvenir ne nous appartient plus
et si quelques films tentent de nous remettre face à l’horreur de la
crucifixion cela demeure une projection de notre imagination. Devons-nous le
regretter, je ne sais mais ce qu’il nous faut retrouver et c’est ce qui porte
l’essence de la célébration de ce dimanche c’est ce don total auquel a consenti
le Seigneur, non par défi mais bien par amour. Et c’est bien là que se lie tout
le paradoxe : la croix est en elle-même signe de mort atroce mais par le
Christ elle devient aussi le signe le plus éminent de l’attachement de Dieu à
notre humanité. La croix demeure à travers les siècles cette déclaration
d’amour de Dieu gravé dans le bois, tracé dans le sang, déclaration d’amour qui
nous est adressée à tous, qui est adressée à l’ensemble du genre humain.
Car
c’est dans l’acceptation de ces souffrances et de cette mort ignominieuse que
se révèle l’attachement de Dieu qui consent à cela pour convier le monde au
salut et à la béatitude. Souffrance et mort sont d’autant plus insupportables
qu’elles agissent à l’encontre de Dieu pleinement bon, à l’encontre du Christ
innocent ; mais souffrance et mort qui signent dans un drame ignoble le
cri d’amour de Dieu pour chacun de nous.
En
regardant la croix, en regardant cette croix, notre cœur devrait être saisi de
compassion jusqu’à provoquer nos larmes qui accompagneraient celles du Christ
souffrant. En regardant la croix, en regardant cette croix, notre cœur devrait
exulter dans l’affirmation de l’amour de Dieu qu’elle nous révèle. Oui, Dieu a
été jusque-là pour nous redire à quel point Il nous aime car ne nous y
trompons, ce qui a conduit le Christ jusqu’à la croix c’est son identité. Dieu
est amour, le Christ est amour et c’est cet amour qui est fracassé contre le
bois de la croix mais qui demeure vivant, réel, actuel, éternel car la
résurrection permet à l’homme de tous les temps de reconnaître son Seigneur.
Cet amour souffrant, donné nous demeure adressé, il demeure adressé à tout être
humain.
Oui la
croix est glorieuse car elle nous révèle l’amour infini de Dieu pour nous, car
elle nous révèle à nous même le prix que nous avons aux yeux de Dieu, car elle
nous révèle notre destinée qui est de demeurer auprès du Seigneur dans
l’éternité, car elle nous révèle la véritable identité de notre humanité qui
est d’être à Dieu, car elle nous révèle que nos souffrances unies à celle du
Christ peuvent y trouver un sens, car elle nous révèle que nous sommes aimés de
Dieu, que vous, que tu es aimé de Dieu. C’est dans le sang que Dieu nous le
dit, nous sommes, tu es aimé de Dieu. N’y-a-t-il pas plus grand bonheur que de
savoir cela, n’y-a-t-il pas plus grand bonheur de s’attacher à en vivre, à
vivre dans cet amour de Dieu.
De notre
côté nous avons tous nos croix, nos difficultés bien insignifiante par rapport
à celle du Seigneur mais bien écrasante pour nos frêles épaules, ces croix qui
sont les nôtres nous pouvons, soutenu par la grâce en faire aussi des
instruments à la gloire de Dieu. Comment et bien en nous attachant malgré tout
à demeurer dans une vie ancrée dans la présence de Dieu qui malgré la
souffrance et la douleur fera resplendir la charité, qui malgré la souffrance
et la douleur fera de nous des prismes de l’amour divin.
Alors en ce
dimanche, prions pour chacun d’entre nous, prions pour nos malades qui sont
parfois attachés à des croix bien lourdes, prions afin que malgré ces croix
nous puissions demeurer uni au Seigneur qui sur la croix nous a donné sa mère
la Très Sainte Vierge Marie pour nous soutenir, qui sur la croix nous a redit
combien nous sommes aimés de Dieu. Dieu demeure crucifié jusqu’à la fin du
monde, laissons-nos cœurs s’embraser d’amour pour le don consenti, pour le
salut obtenu, pour l’amour infini ainsi dévoilé.
Amen.
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